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Sur la route australe

 

Vendredi 3 décembre

 

Oui, une route se faufile bien sur ces étroites bandes de terre où s'effiloche la Cordillère, entre Argentine et Océan Pacifique.

Le paysage n'est qu'une succession de fjords, d'îles, de glaciers, de pics enneigés, de lacs translucides bordés de lupins jaunes et bleus, de rivières et de chutes impétueuses, de forêts originelles et de steppes. La Route Australe est, dit-on, la route la plus spectaculaire de toute l'Amérique du Sud.

Elle serpente de Puerto Montt à Villa O'Higgins , quelques 1200 km plus bas.

Nous l'aurons parcourue en entier cette fois-ci, et même dans les deux sens, pour notre plus grand bonheur et cela restera un de nos meilleurs souvenirs de voyage.

Cette route est due à la volonté du général Pinochet, de sinistre mémoire par ailleurs, pour désenclaver cette région du Chili. Sur le terrain, on imagine les terribles difficultés qu'ont rencontrées les soldats dont ce fut la tâche: d'ailleurs, de loin en loin, un monument rappelle le nom de ceux qui moururent pour la réaliser. Avant sa construction, à peine 200 colons s'accrochaient sur ces terres auxquelles on n' accédait qu'à pied, à cheval ou avec des attelages de boeufs. Aujourd'hui, plus de 100 000 personnes, dont la moitié pour la seule ville de Coyhaique, la capitale provinciale, sont installées dans cette région sublime et sauvage.

Du nord au sud, on compte quelques petites agglomérations, mais le plus souvent, c'est la solitude et on fait des kilomètres sans voir âme qui vive.

Du point de vue de l'histoire, c'est une jeune région du Chili qui n'est colonisée que depuis le début du XXème siècle et plusieurs villes ou bourgs n'ont que 50 ans. Mais pendant des milliers d'années, c'était le pays des Chonos, des Alakalufes, des Telhuelches qui peuplaient les steppes, les îles et la géographie les protégea longtemps des Européens qui, ensuite, s'installèrent pour pratiquer élevage et exploitation forestière ( et élevage du saumon aujourd'hui) .

Comme la loi chilienne allouait des terres à ceux qui les défrichaient, on brûla à tout va les fotêts de hêtres, incendies mal maîtrisés qui expliquent les tragiques troncs calcinés qui couvrent des pentes entières de montagnes.

 

 

Pour les voyageurs de tout poil, cette route fait un peu figure d'épouvantail pour ce qui est de sa difficulté, route de terre, de ripio, bombée, en pente sur les bords bien mous, avec souvent des marécages de chaque côté, tôle ondulée, trous en chapelets. Elle nous a pourtant parue en meilleur état global que la dernière fois, des ponts ont été refaits, elle est entretenue. C'est dans l'extrême sud qu'elle est assez étroite et que les croisements demandent des précautions. Elle y est surtout très peu fréquentée ce qui renforce les craintes qu'on pourrait avoir. Nous, ça nous plaît plutôt! Elle s'interrompt même à Puerto Yungay,à cause d'un lac qu'on traverse , 3 fois par jour, grâce à un petit ferry gratuit. Il reste encore une centaine de km avant d'atteindre le bout de la route à Villa O'Higgins.

 

 

 

Mais ce n'est pas la fin du Chili puisqu'une partie importante du territoire ( outre l'Antartique) se trouve de l'autre côté du Campo de Hielo Sur, difficile à franchir sans de graves dommages à l'environnement. A la grande vexation des Chiliens, il leur faut passer par l'Argentine pour se rendre à Puerto Natales, Punta Arenas et la Terre de Feu.

De petits bus, des camions, des 4x4 autochtones ou loués par des touristes, des cavaliers, des gens comme nous avec leur propre véhicule( en fait, nous n'en avons vu aucun sur les deux parcours Aller et Retour) .

En revanche, ce ne sont pas les cyclistes qui manquent, des courageux au caractère bien trempé pour résister à la difficulté. C'est Ian, le Canadien, venu en un an et demi de Vancouver, Laurent de Dijon, parti de Santiago, Hervé, de Gap, qui a démarré à La Paz, et Jacques du Gers qui, depuis Valparaiso, marche sac au dos, sur la trace des pionniers, jusqu'à Villa O'Higgins.

De quoi nous faire apprécier notre petit confort et les en faire profiter le temps d'un café, d'un apéro ou d'un repas .

 

 

Nous nous souviendrons longtemps de certains endroits particulièrement beaux:

 

Au sud de Coyhaique , la capitale régionale, de magnifiques vues panoramiques sur les montagnes environnantes dont le Cerro Castillo à 2700m. C'est aussi la fin du goudron. On longe des lacs, le »Bois Mort », témoignage de l'éruption du volcan Hudson en 1991.

 

 

Puis le paysage change: forêts humides, rios, avant d'arriver au grand lac General Carrera que se partagent le Chili et l'Argentine où il prend le nom de Lago Buenos Aires. C'est le plus grand lac du Chili et le 2ème d'Amérique du Sud après le lac Titicaca. Il fait 200km de long. Dans ses eaux bleues se reflètent les sommets enneigés. A Puerto Tranquilo le bien nommé, sur le bord du lago, nous avons découvert en hors-bord la curiosité de l'endroit, la «Capilla de Marmol » (chapelle de marbre), des affleurements de marbre, pas très éloignés des côtes et qui cachent des cavités, des grottes de couleur blanche, dues à l 'érosion du vent et à la force du lac. Magnifique!

 

De là, quittant la Carretera, nous avons bifurqué vers la Valle Exploradores , le long du rio du même nom, qui a été pour nous une belle surprise : un bon chemin conduit au glacier Exploradores et surtout se faufile entre les hauts sommets d'où tombent des glaciers et des cascades spectaculaires. Le plus élevé est le Monte San Valentin (4058m), le plus haut sommet de Patagonie et des champs de glace nord et sud.. Nous ne savions plus ou donner des yeux.

 

 

Le Rio Baker ,ensuite, naît à l'extrémité du Lago Bertrand, lui-même déversoir du Lago General Carrera. 370 km de long jusqu'à son embouchure à Tortel .Il est alimenté par le Campo de Hielo Sur: couleur, débit impressionnant, paysages de steppes montagneuses, chutes et rapides offrent des dizaines de vues à la photographie. On y fait du rafting, on vient y pratiquer la pêche sportive. C'est l'un des symboles de la pureté et de la force vitale de l'eau en Patagonie. Hélas, un projet de barrages le menace, mais il se heurte à une forte opposition.

 

 

Suivant le rio Baker, on arrive à Caleta Tortel , au bord d'un fjord .

Dans ce pittoresque village en pente et très exposé aux intempéries, on a remplacé les rues par des passerelles et des escaliers en cyprès qui relient toutes les maisons de bois des pêcheurs et de ceux qui s'accrochent là . Les colons n'y sont arrivés qu'en 1955. Nous nous sommes longuement promenés sur ces 7 km de passerelles entre deux grains venus du Pacifique. Il faut voir la mignonne Plaza de Armas, la bibliothèque jaune, les petites épiceries où on trouve le strict nécessaire, le pépiniériste qui cultive ses fraisiers et des myosotis dans des jardinières de bois suspendues.

 

 

Mais le bout de la route, le vrai village des pionniers du sud, la fin de la Carretera Austral, c'est Villa O'Higgins. C'est la porte d'entrée des glaciers du Champ de glace sud . C'est aussi le dernier noyau urbain de cette zone( 500 hab.), municipalité créée en 1980, route arrivée  en 1999. Ils sont à 230 km du premier bourg , Cochrane, atteint par la piste et avec un bac à prendre.
Pour les voitures, c'est le terminus, on ne peut que faire demi-tour. Pour les marcheurs et les cyclo-touristes, il y a une possibilité de rejoindre l'Argentine en prenant deux bateaux, en marchant plusieurs heures vers un col, aidés par un guide et un cheval qui porte les saccoches, car on doit pousser son vélo. Il reste ensuite une trentaine de kilomètres en bus, à pied ou à vélo pour atteindre El Chalten, au pied du Fitz Roy. Quelle expédition! A leur retour chez eux, le récit de cette partie du voyage aura un ton d'épopée!

,Depuis O'Higgins, avec une trentaine de ces « forçats de la route », nous avons pu faire l'excursion en bateau sur le lac O'Higgins vers le glacier : on parcourt ce lac immense tout en longueur, on dépose les cyclistes à un poste militaire d'où ils gagneront péniblement la frontière argentine, on navigue ensuite dans un paysage absolument magique jusqu'au glacier qui barre les eaux du lac ; là, on reste une heure à longer les séracs, à prendre des photos, à déguster une tranche de Pan de Pascua et un verre de Whisky rafraîchi d'un morceau de glace montée à bord par l'équipage; retour par une mer très houleuse au poste militaire où on prend les rares cyclistes et marcheurs qui viennent d'Argentine en sens inverse des premiers et retour à Villa O'Higgins . Le tout a duré 12 heures . Nous sommes encore subjugués par ce spectacle sublime : Jugez plutôt!